La nouvelle donne des réseaux sociaux face à la sécurité des données personnelles

La nouvelle donne des réseaux sociaux face à la sécurité des données personnelles

2023-11-11 Blog 0

Aujourd’hui l’enjeu pour les utilisateurs des réseaux sociaux n’est plus celle de la propriété de leurs contenus mais celle du maintien de leur administration, gratuitement et sans condition d’accès.

En ce mois de novembre 2023, les utilisateurs européens des applications Facebook et Instagram se sont retrouvés bloqués par un message d’avertissement qui ne pouvait disparaître qu’une fois qu’ils auraient choisi entre continuer avec les règles historiques ou payer un abonnement afin d’utiliser une version de services conforme aux obligations sur la protection des donnés personnelles.

Loin d’une simple option pour s’affranchir des publicités, ce message incontournable révèle la mainmise de ces réseaux sur nos données personnelles et masque l’ampleur des enjeux les concernants.

En moins d’une génération ces plateformes sont devenues le carrefour de nos continuités relationnelles. Pour certaines elles sont tout notre répertoire personnel, professionnel, nos albums de vacances, nos souvenirs, notre affichage publicitaire et la démonstration de nos créations.

Cette centralisation crée une dépendance, au point de détourner notre attention, parfois dangereusement, de ce que nous faisons et des relations que nous pourrions entretenir là où nous sommes présents physiquement. Ces plateformes en ont conscience et n’hésitent plus à imposer leurs règles pour assurer cette continuité de services.

Ce qui change aujourd’hui : le business model des réseaux sociaux

Jusqu’alors il s’agissait d’accepter de dévoiler anonymement notre profil social et nos comportements. Leur exploitation a permis à ces plateformes de dégager un chiffre d’affaire exponentiel sur une décennie. Mais ce modèle économique est à bout de souffle et se doit de changer face aux législations qui entendent lutter contre des abus de différentes formes.

Twitter a ouvert le bal en devenant X, avec la décision arbitraire d’Elon MUSK de réduire la modération et d’imposer la facturation d’un abonnement pour officialiser la propriété d’un compte.

Car les usurpations d’identités sont nombreuses sur les plateformes internet. Il suffit de copier-coller, télécharger ou screener le contenu. Des robots programmés à des fins malveillantes agissent ainsi à l’échelle industrielle et de nombreux utilisateurs se sont ainsi fait « pirater », ou plutôt copier leur compte.

Aujourd’hui Meta emboîte le pas suite à une décision administrative de l’Europe et non pas par choix. Car cela n’a pas réussi à la transformation de Twitter. Sa déclinaison X a perdu plus de la moitié de sa valeur initiale, lâchée par ses annonceurs face à une fuite d’utilisateurs remplacés par des robots et des haters qui ont désormais plus de champ libre.

Facebook et Instagram ont été contraints de se conformer à leurs obligations de protéger nos données personnelles, et de ne plus les céder sans notre consentement à des tiers (pour la publicité… mais pas que : l’exploitation statistique par Cambridge Analytica a permis de déstabiliser des scrutins électoraux en Afrique puis en Europe et aux USA).

Face à cette contrainte, Meta a choisi d’interrompre ses services en imposant à ses utilisateurs de faire un choix. Ils devront accepter que l’ensemble de leurs contenus et données puissent continuer à être réutilisés en l’état ou payer pour établir un accès maîtrisé qui leur permettrait de décider de les maintenir en ligne, de les récupérer ou de les effacer, dans la mesure du possible, jusqu’à la prochaine stratégie de Meta.

Cette démarche s’apparente à une prise d’otage qui démontre, au delà du débat et des lois sur la propriété de nos données personnelles, que les réseaux sociaux sont maîtres de l’accès à nos données sur leurs plateformes.

La propriété inaliénable des données mises en ligne est une coûteuse illusion

D’aucune manière la propriété de nos contenus n’est et ne sera protégée sur les réseaux sociaux comme partout ailleurs sur internet (même sur votre propre site internet).

Les parents en sont avertis concernant les publications d’images de leurs enfants qui pourraient atterrir sur des sites pornographiques. Tout ce qui est en ligne peut-être, techniquement et très facilement récupéré, répliqué, détourné du contexte et des intentions de son auteur. Photo, vidéo, voire l’intégralité d’une petite annonce pour alimenter les statistiques d’un autre site ou appâter la victime d’une arnaque.

Les conséquences sont parfois dévastatrices comme au travers de sites pornographiques qui se répliquent les uns les autres, diffusent et font resurgir automatiquement des contenus mis en lignes avec ou sans le consentement actualisé des personnes qui y apparaissent.

Aujourd’hui ce sont des robots sans aucune forme d’empathie qui s’en chargent ce qui rend très difficile voire vain d’espérer faire disparaitre définitivement une diffusion non souhaitée ou qui ne le serait plus. A moins d’être réactif pour signaler les premières répliques, le seul espoir est de la voir se diluer puis se noyer dans la masse, sans effacer le risque qu’elle ressurgisse un jour. Une véritable bombe à retardement dont les enfants sur-exposés par leurs parents peuvent-également être victimes.

Comble de l’ironie : les messages à partager sous forme de copier coller qui s’opposent à l’utilisation de nos données personnelles sont eux même des reprises de contenus vieux de dix ans et malheureusement vains… sauf à plaire aux algorithmes qui vont pousser ces posts viraux en avant sur nos pages d’accueils.

Un coup d’épée dans l’eau tant sur le plan technique que juridique car le simple usage des plateformes sur lesquels ils sont diffusés entends l’acceptation pleine et entière de leurs CGV, dont le droit à la réutilisation des données personnelles.

Accepter un état de fait

Meta nous place devant un choix cornélien : celui de concéder la réutilisation de nos prises de paroles et contenus numériques ou d’en payer le prix.

Au delà, il s’agit de faire le deuil d’une propriété numérique assurée. Les plus grands groupes dépensent un argent et une énergie constante à lutter contre la copie de médias dont ils sont propriétaires (films et musiques pour les plus populaires) tandis que nos données personnelles représentent pour eux une valeur bien supérieure à celle que nous voulions bien leur accorder.

Aujourd’hui, Meta en a fixé le prix et impose une transaction biaisée car il en coûtera d’une manière ou d’une autre pour rétablir l’accès aux données et contenus préalablement enregistrés sur ses plateformes. A cette fin, certains paieront, d’autres auront probablement du mal à accepter ce revirement pour un service qu’ils percevaient jusqu’alors comme gratuit et abandonneront ou se résoudront tout simplement à céder les droits sur leurs données et contenus. Tous auront ils conscience de la valeur de ce qui est en jeu ?

Si c’est gratuit, vous êtes le produit.

Tim COOK, CEO d’APPLE à propos du modèle économique de Facebook

Quelles alternatives pour la suite ?

La prévention reste la meilleure des protections. Il s’agit d’éviter la diffusion en ligne ou de privilégier des supports et des espaces qui garantissent au mieux la maîtrise de nos contenus et données personnelles.

De nouveaux réseaux sociaux émergent avec de nouvelles promesses.

Certains proposent un retour aux modèles antérieures, d’autres le maintien d’une plus grande sécurité par une structure décentralisée dans laquelle nous aurions d’avantage de contrôle et de responsabilités sur des espaces numériques que les utilisateurs peuvent créer et administrer par eux-même.

C’est le cas du réseau BlueSky. Déployé par une équipe détachée de l’ex Twitter. Il reprend une interface et des codes très similaires au réseau historique. On ne peut cependant y accéder que sur invitation ce qui permet de préserver les capacités matérielles et humaines de l’équipe qui l’héberge et l’administre.

Les plus créatifs pourront mettre en ligne leurs propres réseaux avec des solutions open source comme Oxwall. Ils peuvent aussi envisager de les héberger physiquement grâces à des serveurs simplifiés de type NAS. Une amélioration des disques durs connectés qui permettent à leurs utilisateurs de stocker leur propre contenu numérique (photos, vidéos, cloud) en facilitant l’administration de leur sauvegarde et partages.

Nous pouvons également revoir notre façon de communiquer et de partager.

Il n’est pas nécessaire de disposer de comptes sur les réseaux sociaux pour partager et communiquer du contenu avec nos proches, directement ou de manière groupée . What’s App le permettait jusqu’alors mais sa propriété est acquise par Meta qui souhaite le monétiser prochainement comme il a pu le faire pour ses applications Facebook Instagram. Restent Signal ou Télégram. Cette dernière est devenue incontournable dans la communication sur le conflit en Ukraine, mais son niveau de confidentialité et de liberté de parole font débat. Les autorités grincent sur l’absence de possibilité de contrôle et s’inquiètent des dérives à des fins illégales ou pour la diffusion de propagandes et fausses informations.

Les classiques SMS et MMS intègrent désormais des fonctionnalités de tchat et pourraient également faire leur retour dans les communications directes et même groupées.

Toutes ces solutions numériques restent dépendantes malgré elles de la sécurité de nos réseaux et périphériques. Même et tout simplement nos téléphones dont on sait que les assistants vocaux nous écoutent afin de nous proposer, comme les réseaux sociaux, des services personnalisés au prix de notre confidentialité.

Il subsiste l’option de la déconnexion. Difficile de l’envisager tant l’ensemble de nos démarches et actions sont aujourd’hui numérisées, de la validation d’un règlement par carte bancaire à la régulation de notre chauffage.

Pour autant, un téléphone éteint ou en mode avion, le temps d’écrire une lettre à un proche, peut être pour nous un instant de calme, et ce courrier devenir un cadeau bien plus précieux et durable que toutes les photographies que nous auront pu laisser filer sur les écrans de son destinataire.

Une composition intelligente de nos moyens de communication pour qu’ils en restent l’outils et que nous n’en devenions pas les serviteurs aveugles.